L’Afrique du Sud : sortir de l’emprise du charbon
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Après quelques années de croissance ralentie, l’Afrique du Sud est, selon le Fonds monétaire international (FMI), redevenue en août 2016 la première économie du continent, devant le Nigéria, trois fois plus peuplé qu’elle. Le pays présente de bonnes performances : sa démographie est maintenant contrôlée, son taux de scolarisation est le meilleur de l’Afrique sub-saharienne, son attractivité des investissements étrangers est la meilleure du continent, l’accès à l’ de sa population est selon les statistiques assuré à 85 %1.
© MUJAHID SAFODIEN / AFP - L'Afrique du Sud est la première économie d'Afrique, mais la production électrique dépend à plus de 90 % du charbon.
Dans le domaine de l’énergie, l’Afrique du Sud est un géant qui absorbe près de 30 % de la consommation d’énergie de toute l’Afrique, alors que sa population (55,4 millions) représente 4,6 % de la population du continent2. Son parc automobile est le plus développé du continent : il compte 180 voitures pour 1 000 habitants alors que le taux du Maghreb ne vient que de dépasser 100 et que le taux moyen en Afrique est de 443. La consommation finale de produits pétroliers a d’ailleurs augmenté de 20 % de 2004 à 2014.
Un parc électrique vétuste, une domination du charbon
Mais l’Afrique du Sud affiche deux points faibles :
- Faute d’investissements suffisants, son parc électrique est vétuste (un tiers est généralement à l’arrêt) et les réseaux sont en permanence au bord de la saturation. Face à une demande en forte croissance, la société publique d’électricité Eskom est contrainte à pratiquer de très nombreux délestages. Au-delà des problèmes posés aux citoyens, surtout les plus pauvres, cette situation handicape gravement l’activité industrielle, au point de coûter au pays 1 point de croissance annuel, selon le gouvernement lui-même.
- Comme la Chine ou l’Inde, l’Afrique du Sud dépend d’une source dominante d’énergie, le charbon, qui assure 92 % de sa production d’électricité. Le pays est le 7e producteur mondial et possède 95 % des réserves de l’Afrique. L’Afrique du Sud exporte même le quart de sa production, essentiellement vers l’Inde. Mais l’industrie minière est peu performante, avec des grèves répétées et un recul de la compétitivité. Pour accroître la production électrique, Eskom a engagé en 2008 la construction de deux énormes centrales à charbon, à Medupi et à Kusile, de 4 800 MW chacune. Mais les chantiers n’étaient pas terminés fin 2016 et les coûts initiaux ont été largement dépassés.
Une diversification difficile
La diversification des sources d’énergie n’est pas facile pour l’Afrique du Sud. Elle ne produit quasiment pas de pétrole ni de gaz. Pendant la période de l’apartheid, les autorités produisaient des carburants à partir du charbon (par le ) en raison de l’embargo qui était imposé au pays par la communauté internationale. Quant au gaz, l’Afrique du Sud l’importe de son voisin, le Mozambique.
La situation pourrait changer si les réserves en , que des études américaines considèrent très vastes, se confirmaient et si le pays décidait de l’exploiter4. Le gouvernement a annoncé en mars 2016 le début de l’exploration dans les prochains mois et plusieurs sociétés internationales ont manifesté leur intérêt. Mais les estimations de ressources en gaz de schiste sont toujours incertaines et les coûts économiques de l’extraction n’ont pas été estimés. Comme dans d’autres pays, un débat s’est engagé sur les dangers de la pour les ressources en eau dans une région, le Karoo, qui est semi-désertique.
Renouvelables et nucléaire
Le pays n’a investi dans les que récemment. Quasiment nulles en 2013, les capacités installées en ont dépassé 1 000 MW fin 2015. Le solaire photovoltaïque a connu la même progression, de 40 MW fin 2012 à 1 120 MW fin 2015. À titre de comparaison, la capacité photovoltaïque en France a été de 6 200 MW à la même date.
En matière d’hydroélectricité, l’Afrique du Sud s’intéresse au projet « Grand Inga », en République démocratique du Congo. Le site d’Inga, qui comprend plusieurs barrages, aurait, s’il est étendu, une capacité considérable de 40 000 MW. Sa production pourrait être exportée vers de nombreux pays d’Afrique, au nord et au sud. Pour assurer sa viabilité financière, l’Afrique du Sud a promis en 2013 d’acheter la moitié de la production d’électricité du futur barrage Inga III (2 500 MW).
Pour diversifier son énergie, l’Afrique du Sud compte aussi sur le nucléaire. Elle exploite déjà la seule du continent, à Koeberg, près du Cap. Ses deux réacteurs, construits dans les années 1980 par Framatome (devenu AREVA), permettent de fournir 5 % de l’électricité du pays. Le gouvernement a annoncé des projets portant sur six à huit nouveaux réacteurs à l’horizon 2025, qui lui assureraient près de 10 000 MW supplémentaires. Plusieurs pays sont en lice, notamment la Russie, la Chine et la France.
Sources :
- Données économiques - Banque Mondiale
- Statistiques énergie - AIE (en anglais uniquement)
- Statistiques mondiales sur l‘automobile (OICA) (en anglais uniquement)
- Energy Information Agency (USA) (en anglais uniquement)