La transformation de la biomasse des micro-algues
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L’idée d’utiliser la algale passionne les chercheurs. Elle ouvre en effet un champ considérable aux biotechnologies et permettra la production d’une très large gamme de produits. Mais on est encore loin de garantir une production de masse de carburants avec une rentabilité économique acceptable.
© - Bassins de culture de micro-algues sur le site du Vigeant, près de Poitiers (Centre de la France) qui abrite un centre de recherche sur le traitement de la biomasse algale. ©AFP
La biomasse algale représente un potentiel considérable dans le monde. Sur les centaines de milliers d’espèces de micro-algues existant dans la nature, 300 environ ont déjà été identifiées pour leur capacité à produire des huiles en quantités élevées. Leur utilisation a commencé dans certains secteurs, avec de petites productions à haute valeur ajoutée, comme les pigments et les oméga 3. Des perspectives se dessinent dans l’alimentation animale et la chimie de spécialités. Mais la production énergétique de masse de biocarburants et de biométhane n’en est aujourd’hui qu’au stade de la recherche et développement et il faudra une dizaine d’années au minimum pour atteindre une rentabilité économique suffisante.
Des « micro-usines »
Sélectionnées grâce aux biotechnologies, les micro-algues deviennent des véritables « usines » qui produisent les huiles selon un processus programmé.
Les végétaux, terrestres ou marins, accumulent des réserves d’énergie, sous forme d’huiles et de sucres, pour assurer leur survie dans toutes les situations. Par rapport à la sélection naturelle des espèces, l’application des biotechnologies aux micro-algues – et aussi aux bactéries – permet un saut qualitatif important : elle ouvre la voie à la production d’espèces mutantes qui sont capables de « sur-accumuler » un élément précis utile à l’homme. L’espèce sélectionnée devient alors une véritable « usine » qui produit ce que l’homme lui a commandé. Les micro-algues choisies présentent alors des rendements à l’hectare bien supérieurs à ceux des espèces végétales terrestres. Cette promesse scientifique explique l’immense effort de recherche qui a été engagé partout dans le monde.
Une première étape consiste donc à sélectionner les souches les plus aptes à produire naturellement des huiles, puis à en optimiser le métabolisme par modification génétique pour améliorer leur rendement. Une deuxième étape assure leur culture sur de grands bassins de plein air ou en « bioréacteurs » formés de tubes transparents. Après récolte, on extrait les protéines, les lipides et les glucides. Les lipides seront enfin convertis en biocarburants.
Les méthodes de conversion de l'huile en biocarburant sont identiques à celles utilisées pour les huiles végétales classiques :
- l’estérification, qui fait réagir l'huile algale avec du ou de l'éthanol, produit du biodiesel qui peut être ajouté au ;
- l'hydrogénation catalytique, qui fait réagir l'huile en présence d' , suivie d'un , produit des hydrocarbures qui peuvent être incorporés en quantité importante au gazole ou au kérosène.
D’autres voies biochimiques et thermochimiques permettent de produire de l’éthanol ou des hydrocarbures mélangeables à l’essence et au gazole.
Avantages et inconvénients
La transformation des micro-algues présente des avantages par rapport à la biomasse terrestre :
- Les rendements à l'hectare pourraient être très supérieurs à ceux des plantes oléagineuses comme le colza ou même le palmier à huile. Au stade du laboratoire, on a obtenu des productivités d'huile par hectare 20 à 30 fois plus importantes que pour les oléagineux terrestres.
- Les surfaces de culture n’ont pas besoin d’être des terres arables et n’entrent donc pas en concurrence avec les surfaces agricoles.
- La croissance des algues lipidiques nécessite d'importantes quantités de CO2, ce qui ouvre des perspectives pour le recyclage du CO2 émis par des usines ou des centrales thermiques.
Mais plusieurs difficultés se présentent pour une production de masse :
- La culture demande des conditions particulières d’ensoleillement et de disponibilité en eau, qui limitent les localisations possibles. Elle est en outre gourmande en nutriments (nitrates et phosphates) et en , tandis que l’extraction des huiles consomme beaucoup d’énergie. Toute une infrastructure logistique actuellement inexistante sera aussi nécessaire pour apporter aux nouvelles exploitations les matières premières et l’énergie dont elles ont besoin.
- Même dans les meilleures conditions d’ensoleillement, la culture exige de grandes superficies pour atteindre des productions importantes. On estime que l’exploitation à terre d’un espace de 150 km2 – soit l’équivalent du bassin d'Arcachon - produirait le dixième d’une grande pétrolière conventionnelle française.
Les coûts de production de biodiesel d’origine algale sont aujourd’hui estimés entre 5 à 10 € par litre, rendant impossible actuellement une filière commerciale. Mais plus de 2 milliards de dollars d’investissements et plus de 200 projets de recherche et développement ont été recensés, en majorité aux États-Unis, mais aussi en Europe et en Chine.