La gestion de l’énergie dans une ferme de méthanisation
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La ferme de Guernequay, à Moustoir Remungol, dans le Morbihan, a été en 2010 le premier élevage de porcs de Bretagne à produire du à partir de lisier animal et de matière végétale. En 2019, elle produit 10 fois plus d’énergie – et - qu’elle n’en consomme et vise un rapport de 40 à 50 fois plus d’ici 2021. Le propriétaire, M. Jean-Marc Onno, a expliqué à Planète-énergies les atouts et les contraintes de la agricole.
© J.M ONNO - Un "post-digesteur" sur la ferme de Jean-Marc Onno, où s'effectue la dernière phase de la fermentation des matières organiques.
Les matières organiques utilisées
La ferme de M. Onno dispose de trois types d’intrants qui, par , vont produire le biogaz :
Le lisier
Communément appelé purin, il est constitué des déjections des quelque 3 500 porcs et porcelets présents sur l’exploitation. Le volume collecté est de 6 300 m3 par an (près de 18 m3 par jour).
Les végétaux
Des déchets agricoles et des végétaux provenant de cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) sur plusieurs exploitations alentour. Les CIVE (seigle, tournesol et avoine) sont récoltées entre deux cultures principales, qui sont dans l’exemple présent du blé et du maïs. Elles assurent un couvert végétal qui évite de laisser le sol nu pendant l’interculture. Près de 3 500 tonnes par an sont stockées dans des silos (on parle d’ensilage). A noter qu’un « jus de silo » qui s’écoule est rajouté au lisier.
Les intrants agro-alimentaires (IAA)
Ce sont des graisses provenant de l’abattoir où sont tués les porcs de la ferme de Guernequay, ainsi que des huiles d’autres établissements dans un rayon de 10 km. Par an, 4 300 m3.
Le total de ces trois intrants se monte à 13 800 tonnes par an. Le lisier en constitue près de la moitié. Il a un faible pouvoir « méthanogène » puisqu’il ne contribue qu’à 7 % de la production de biogaz. Les ensilages CIVE et les intrants IAA, qui se partagent l’autre moitié, sont bien plus efficaces, mais le lisier apporte une stabilité biologique.
Ces intrants, mélangés en une phase liquide, sont versés de façon régulière dans le digesteur de 1 200 m3. Celui-ci est constitué d’une fosse de 6 mètres de profondeur dont la partie visible est couverte d’un toit en béton.
Il faut un temps de séjour de 45 à 50 jours, dans le digesteur puis dans un second post-digesteur, à une température de 40 °C, pour que le carbone organique se transforme en gaz par fermentation en milieu (à l’abri de l’oxygène). Sur un an, l’unité produit plus de 1 250 000 m3 de biogaz, constitué à 60 % de méthane (le gaz naturel) et à 40 % de CO2. Au fond des digesteurs, reste un qui est stocké avant d’être utilisés comme engrais par épandage sur les champs environnants. Toujours sur un an, 13 700 m3 de digestat ont fertilisé 340 hectares de cultures, ce qui évite l’utilisation d’engrais chimiques.
La production de chaleur et d’électricité
Ce gaz alimente deux moteurs de de 130 et 220 kW. La ferme de Guernequay est de ce fait dans le haut de la gamme de la filière de méthanisation agricole française. Ces moteurs, de 3 à 4 mètres de long, produisent de l’électricité via un turbo-alternateur, avec une émission de chaleur qui est récupérée pour chauffer un réseau d’eau.
Via un circuit de tuyauteries de 2 km, la chaleur irrigue toute l’exploitation. Elle assure le chauffage du digesteur, des bâtiments d’élevage, de la maison et de quelques logements aménagés dans des dépendances. Elle alimente aussi deux unités de production : une champignonnière qui a été installée sur l’exploitation, avec des partenaires extérieurs, et une petite fabrique de spiruline, un complément alimentaire dont la fabrication exige une eau chauffée à 37 °C. La champignonnière emploie 20 salariés.
L’électricité est pour l’essentiel revendue au réseau. Elle est équivalente à l’alimentation de 500 maisons. Un complément est apporté par des panneaux photovoltaïques installés sur les toitures. Elle est aussi revendue, sauf une petite partie en autoconsommation utilisée pour assurer le fonctionnement d’équipements.
Le tableau suivant donne le détail de la répartition de ces usages.
La rentabilité financière
Les revenus de la vente d’électricité se montent dans l’année à 575 000 euros (€). Le kWh est racheté par EDF à 21,5 c€/kWh, nettement plus que le tarif appliqué au kWh photovoltaïque. Le tarif bénéficie en effet d’une prime « effluents d’élevage » qui récompense la dimension écologique du process (traitement des déchets, création d’un écosystème local, etc…). D’autre part, la chaleur est valorisée à l’extérieur (champignonnière) et permet de réduire les factures d’électricité de l’habitation et de l’élevage.
Mais l’entretien de l’installation est lourd. Il faut 3 ou 4 heures de travail quotidien, avec une astreinte de contrôle 24 h sur 24, ce qui justifie un emploi à plein temps (40 000 €). La maintenance des moteurs est estimée à 75 000 € en année de croisière. Les besoins de cette maintenance ont une conséquence surprenante : pendant quelque 250 heures par an, la production d’électricité est arrêtée et le gaz qui continue de se générer doit être brûlé dans une torchère…L’entretien des digesteurs, la production des CIVE, les assurances et les analyses biologiques rajoutent 115 000 €. La consommation d’électricité est de 175 000 kWh /an soit environ 20 000 €.
Le gain financier a permis d’amortir en 7 ans l’investissement initial d’environ 1 700 000 € (dont 280 000 € de subventions). Avec un bémol important : il faut réinvestir environ la moitié de l’investissement initial avant la 10eme année pour remplacer les moteurs et d’autres équipements.
Les perspectives d’avenir
La ferme de Guernequay a le projet de valoriser son biogaz en tant que biométhane utilisé comme gaz naturel véhicule (GNV). Mais il faut pour cela une unité de purification pour retirer le CO2 et de compression pour stocker le gaz en bouteilles. Le coût de l’investissement peu aller de 150 000 € à 1 million d’euros selon la technique et la taille de l’installation. Le méthane produit sera utilisé pour les engins agricoles ou des véhicules privés dans la région. La réalité de l’écosystème dans le territoire rural serait ainsi renforcée.
Le méthane pourrait aussi être réinjecté sur le réseau public. Le point d’accès à ce réseau n’est qu’à 6 km, ce qui peut permettre un raccordement par conduite (dans les autres cas, le gaz doit être porté par camions-citernes). Mais les conditions tarifaires lié au choix initial de cogénération ne sont pas suffisamment avantageuses dans le cas de la ferme de Gernequay pour rendre l’opération rentable.