Moscou, une ville en transformation
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Capitale de la Fédération de Russie, Moscou est la ville la plus peuplée d'Europe (12 millions d’habitants intra-muros, près de 17 millions d'habitants dans l'aire urbaine) et la plus étendue (plus de 1 000 km2). Le développement de Moscou a été fortement marqué par les phases successives des politiques tsariste puis soviétique et reste très dépendant des décisions prises par le pouvoir central.
© SHUTTERSTOCK - Trois époques, trois "horizons" de Moscou : l'enceinte du Kremlin, les gratte-ciels en "gothique stalinien" (à gauche) et le nouveau quartier d'affaires "Moskva City".
Un urbanisme façonné par l’histoire
Moscou s’est modelé au fil des siècles autour d’une forteresse, le Kremlin, qui est restée le siège du pouvoir politique. Même lorsque les tsars s’installèrent à Saint-Pétersbourg, la nouvelle ville bâtie par Pierre le Grand à partir de 1703, Moscou est resté le symbole de la nation russe, de la résistance contre les armées de Napoléon en 1812, l’image de « la Mère » (Matouchka Moskva) aux yeux du peuple et le siège de l’église orthodoxe russe. L’Union soviétique communiste accentua son statut de capitale ultra-centralisée entre 1917 et 1991. Le passage à l’économie de marché et à la mondialisation n’a pas diminué son rôle : 25 % du PIB de la fédération de Russie est produit à Moscou. Une telle « centralité » a profondément marqué l’urbanisme moscovite.
Au Kremlin, sorte de « cité interdite » où il régnait sans partage, Staline avait ajouté au sortir de la seconde guerre mondiale une autre « enceinte » en pointillé, visible de loin, constituée par sept gratte-ciels, les « sept sœurs ». Destinés à rivaliser avec ceux de Manhattan, ils n’étaient cependant pas des lieux fonctionnels d’activité économique, mais des sièges de ministères, d’universités, d’habitations pour les hauts dirigeants. De 1935 à 1955, s’implante aussi l’essentiel du métro de Moscou, célèbre pour ses stations richement décorées destinées à prouver que rien n‘est trop beau pour le peuple. Il reste le réseau le plus fréquenté du monde après celui de Tokyo, avec près de 7 millions de passagers par jour.
Lors de la « déstalinisation », à la fin des années 1950, le nouveau dirigeant Nikita Khrouchtchev avait quant à lui choisi de construire des milliers de petits immeubles de quatre étages, de médiocre qualité, baptisés « khrouchtchevk », dans les quartiers centraux de la capitale, dont les habitants sont devenus de fait de petits propriétaires.
Une autre caractéristique héritée de l’histoire est l’abondance des parcs. Si elle est loin d’être la plus « écologique » pour l’ensemble des critères (transports, déchets, pollution, , etc…), c’est celle qui a la plus grande superficie d’espaces verts : 450 km2, dont plus de 100 km² de forêt véritable, où l’on rencontre des élans. Chaque Moscovite dispose en moyenne de 27 m² de verdure, contre 6 à Paris, 8,6 à New York et 7,5 à Londres.
Les transformations d’aujourd’hui
Les transformations de la ville1 sont guidées à la fois par la vision des hauts dirigeants, notamment Vladimir Poutine, les nouveaux besoins fonctionnels des grands groupes industriels et financiers et les niveaux de ressources financières du pays. Ceux-ci ont d’abord été très affectés par la grave crise économique qui a suivi la chute du régime soviétique puis sont devenus très dépendants des équilibres des marchés d’hydrocarbures mondiaux car la Russie est un grand producteur de pétrole et de gaz.
L’ouverture à l’économie mondialisée a, malgré ces difficultés, conduit à la naissance du quartier d’affaires de Moskva-City, conçu comme une vitrine, même s’il n’atteint pas la dimension spectaculaire de ceux d’Asie ou du Golfe. En 2017, les trois immeubles les plus hauts d’Europe sont à Moscou, la tour de la Fédération culminant à 373 mètres. Le style « gothique stalinien » a laissé la place aux audaces architecturales, avec la célèbre Tour Evolution qui reproduit la structure hélicoïdale de l'ADN.
Un projet de « Grand Moscou », avec un budget de plus de 100 milliards d’euros sur 30 ans, comprend de grands programmes de bureaux, de centres commerciaux, de lotissements de maisons individuelles. Ils se heurtent néanmoins à des contradictions dans une population habituée à une économie dirigée et où les disparités de revenus se sont creusées. Un signe spectaculaire en est la forte opposition à la décision de la municipalité de raser 8 000 « khrouchtchevki ». Construits à bas coûts, avec des éléments préfabriqués et matériaux non isolants, ils se sont dégradés. Mais ils avaient été conçus en micro-quartiers, autour d’écoles, d’hôpitaux. Un demi-siècle après, l’annonce du relogement dans les banlieues de 1,6 millions de personnes a provoqué début 2017 des manifestations telles que le président Poutine a dû intervenir pour calmer le jeu et réduire l’objectif de moitié.
La nécessité de rénover l’habitat est cependant évidente. La consommation d’énergie dans l’habitat russe est, à conditions climatiques similaires, deux fois plus élevée que dans l’habitat européen et américain. Un tiers du potentiel d'économies d'énergie du pays réside dans les logements.
À Moscou, la difficulté est de faire évoluer la notion de « services » fournis à bas prix voire gratuitement aux citoyens. Le chauffage urbain, très généralisé, est alimenté par des centrales thermiques associées à la production d’ . Avec un réseau enterré vétuste et mal isolé, il dispense une excessive qui ne peut pas être réglée dans chaque logement. Sa mise en route est déclenchée par les autorités municipales, avec une « saison du chauffage » qui débute quand la température moyenne ne dépasse pas 8° C pendant cinq jours… Cette centralisation va à l’encontre de l’efficacité énergétique qui dépend au contraire d’une adaptation fine aux usages de chaque consommateur. Le pouvoir encourage le retour au privé de ce secteur et fait appel à l’expertise étrangère. Mais reste le problème de la rentabilité des investissements nécessaires : la note acquittée par les ménages moscovites ne couvre que les deux tiers du coût de production de la chaleur.
L’efficacité énergétique est devenue une priorité russe, soutenue par le nouveau Centre de recherche de Skolkovo, à l’est de Moscou : les résultats sont spectaculaires, les bâtiments neufs consommant en moyenne deux fois moins que les anciens2.
Les ceintures de Moscou
L’autre défi est de maîtriser la circulation automobile et de désengorger les transports publics. Le parc de voitures en Russie a augmenté de plus de 50 % au cours des dix dernières années et Moscou est considérée comme l’une des villes du monde les plus congestionnées.
Si le réseau historique du métro moscovite reste d’une grande efficacité, les autorités ont, comme dans le projet du « Grand Paris », mis en évidence le besoin de créer des anneaux concentriques de circulation, qui puissent faciliter les transports entre banlieues lointaines. Une deuxième ligne de métro périphérique (MCR) a récemment été mise en service, soit un cercle de 54 km de 31 stations. Au-delà, un système de métro léger doit amorcer dès 2018 un anneau de 240 km reliant les grandes villes de la région et les quatre aéroports internationaux.
L’automobile n’est pas en reste. Au célèbre périphérique MKAD, ouvert en 1960, va s’ajouter un nouvel anneau autoroutier, à 45 km du Kremlin, le TsKAD.
Les décisions des grandes infrastructures restent très centralisées. Moscou a un statut de région autonome et est administrée par une assemblée et un exécutif présidé par un maire. Depuis 2013, ce dernier est élu, mais a, dans les faits, l’aval du pouvoir central.
Sources :